LA RUMEUR

La rumeur est une sorte de bug, d’accident qui fait qu’un événement qui aurait dû rester banal se transforme en information qui prend des proportions non seulement colossales, mais également irrationnelles. La chose est curieuse, car chaque jour, à travers le monde, une multitude d’informations sont échangées entre les êtres humains, et par tous les moyens de communication. Tout se passe, comme si à un moment précis, dans une situation particulière, dans un pays donné ou chez une population donnée, une information banale s’enflamme défiant toutes les lois de la raison.

Deux éléments sont importants dans la genèse de la rumeur. Tout d’abord elle doit être spontanée, ensuite les gens qui croient en cette rumeur ne font pas l’effort de la vérifier tellement leur volonté est obnubilée par cette même rumeur. Cette définition simple permet d’emblée d’éliminer les thèses du complot, qui elles ne sont pas spontanées, les personnes qui croient aux thèses complotistes procèdent à de multiples vérifications. La rumeur diffère également de la médisance et de la calomnie qui obéissent à d’autres mécanismes.
La question majeure est : pourquoi croyons-nous en une rumeur ? et surtout pourquoi ne la vérifions-nous pas ?

Une partie peut s’expliquer par notre mode éducatif. En effet, dès notre jeune âge, nous recevons des informations par nos parent, par l’école, par nos instituteurs, par les professeurs, par la télévision. Nous les tenons toutes pour vraies sans les vérifier. Il s’agit là d’un cercle de confiance que nous considérons d’emblées pour acquis, crédible et fiable.
Une autre partie peut s’expliquer par des circonstances particulières. Ainsi, dans les périodes de détresse telles que la guerre, les grandes épidémies et en ce moment nous traversons une sérieuse épidémie ; l’inquiétude concernant leur survie, peut mener les humains à imaginer collectivement toutes sortes de spéculations mentales qui aboutissent finalement à des rumeurs. Dans les années trente, en pleine détresse économique et sociale, une chanson triste et mélancolique qui s’appelle triste dimanche, a provoqué une telle détresse chez les Hongrois, qu’on fut obligés de l’interdire par crainte que les gens se suicident. Si la chanson est bien réelle, la rumeur qui s’est bâtie autour d’elle de façon spontanée était en réalité sans fondement. Dans cet exemple, on voit qu’un événement existant a provoqué une réaction de croyances irrationnelles en une rumeur. L’élément favorisant est certainement la conjonction de la tristesse de la chanson, et de la détresse économique, avec en arrière-fond un possible drame propre à la Hongrie de l’époque. Il serait judicieux d’étudier cet événement afin de dégager quelques éléments qui puissent expliquer la survenue d’une rumeur. En effet, des chansons tristes en période de détresse sociale et économique, il en existe beaucoup. Cela ne provoque pas systématiquement des rumeurs.

Dans un pays d’Afrique du Nord, une chanson, il est vrai particulières, puisqu’il s’agissait d’une femme qui aurait exposé sa fille en la menant dans une forêt où elle sera assassinée, a envoûter les gens. À l’époque, cette chanson était diffusée de façon assez périodique dans les radios, ou bien chez  certains vendeurs de disques. Il s’est greffé sur cette chanson une telle rumeur, que partout dans le pays, dans toutes les villes de ce pays du Maghreb, les gens ont cru voir la mère coupable dans leur quartier. Du reste, cette rumeur s’est finalement transformée en légende urbaine et en mythe, à tel point que quelques vestiges de cette affaire persistent encore de nos jours.

Une question essentielle est la suivante : les médias contemporains contribuent-t-ils à amplifier une rumeur ?

Je crois que je peux répondre par la négation à cette interrogation. Lorsque les médias diffusent une rumeur, elle s’est déjà installée dans l’esprit de beaucoup de personnes. Le fait d’en parler à la télévision, entre autres, fait qu’une multitude de personnes vont en prendre connaissance. Les gens sont informés de l’existence d’une rumeur mais n’y adhèrent pas forcement. Mais là nous sommes dans l’information qui rapporte une rumeur. Même si la télévision diffuse une rumeur, nous nous ne sommes pas dans la rumeur, nous sommes dans l’information vraie. Il faut savoir différencier une information dite vraie, même si elle propage une rumeur, et la rumeur bien elle-même. La rumeur, je le répète, doit être spontanée.
Je vous donne un exemple. On a dit d’une célèbre actrice qu’elle était décédée. Pour beaucoup c’était une rumeur. En réalité, cela dépend des circonstances de survenue de cette information. Si l’événement est survenu de façon spontanée, nous somme dans la rumeur. Si c’est un événement qui est construit par un groupe de personnes, nous somme dans l’information vraie. Même si la personne concernée dément être morte, nous sommes toujours dans l’information et non dans la rumeur. Cela peut paraître contradictoire.
Pour expliquer le paradoxe de mes propos, je voudrais vous faire part d’un autre fait. On a dit de cette même actrice, que c’était une star et nous tenons cela pour être vrai. C’est bien une information, pourtant la notion de star est fabriquée de toutes pièces.
Mais, je vous propose un autre exemple un peu plus pertinent. Pour cette même actrice, on a construit une vie parallèle où elle aurait eu une enfance malheureuse, des déception amoureuses, etc. tout cela est bien évidemment faux, et pourtant nous sommes dans une vraie information avec contenu faux. Il en est de même quand on annonce la mort de cette actrice.
C’est une information qui comporte des événements faux. Sur le plan technique, elle en demeure pas moins une information même si on peut e qualifier de mensongère. Cette différence est cruciale, car elle nous mène à faire la discrimination entre l’information quel que soit son contenu et la rumeur. Il s’agit de choses strictement différentes.
Je peux également affirmer que le fait de nier une rumeur ne l’amplifie pas, ou du moins de façon très modeste. Tout au plus peut-elle avoir un impact sur certaines personnes qui raffolent des théories du complot. Elles vont se dire cela cache quelque chose. Mais honnêtement cela reste très restreint.
Il y a quelques décennies, semble-t-il, les travaux d’un scientifique auraient montré comment se propage une rumeur. Il a procédé de la façon suivante. Dans une classe de plusieurs personnes, pas forcement des élèves, il a demandé à une première personne de lire un texte, on lui retire ce texte, ensuite on lui demande  et de le recopier de mémoire. Cette même personne va demander une seconde personne de lire le texte qu’il a copié et de le recopier de mémoire. Et ainsi de suite. D’après ce scientifique, la dernière personne aurait écrit un texte qui diffère complètement du premier. Cette étude a eu une très grande aura sur les esprits de beaucoup de « spécialistes » de la rumeur et cela continue encore de nos jours, puisqu’elle est encore citée. En fait, le travail de ce scientifique n’a rien à voir avec la rumeur, tout au plus peut-il affirmer qu’une information peut se trouver altérée par le bouche-à-oreille. Du reste des lauréats de science po transmettraient l’information intactes. C’est une affaire e mémoire et pas rumeurs. 
La rumeur reste un grand mystère. Les raisons qui font qu’un banale évènement devient explosif sont obscures. elles font intervenir des conditions sociales, économiques culturelle, mais cela n’est pas suffisant.
Il est impératif est crucial de bien comprendre ce que c’est l’essence même d’une rumeur, ce que c’est qu’une vraie information, ce que c’est qu’une information qui véhicule des idées fausses. La confusion entre ces différentes notions peut conduire à des comportements plus ou moins graves voire dramatiques.

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